Le congrès se réunit dès 15h30 aujourd’hui. (vote prévu vers 19h)
Non à l’hyperprésidence, par Robert Badinter
Certains se demandent si, en refusant de voter la révision constitutionnelle, les socialistes ne sont pas en train de passer à côté d’une opportunité : rééquilibrer les institutions. La réponse est non. Cette révision est une occasion perdue, non pour les socialistes, mais pour la République. Nos institutions souffrent d’un mal profond : l’hyperpuissance du président. Il est le véritable chef du gouvernement, pour ne pas dire le gouvernement à lui seul, dans la pratique actuelle de l’Elysée.
Et, depuis le quinquennat et la succession des élections présidentielle et législatives, il est le chef réel de la majorité présidentielle à l’Assemblée. La séparation des pouvoirs n’est plus qu’apparence. De surcroît, ce pouvoir sans pareil n’est assorti d’aucune responsabilité. J’appelle ce régime la monocratie : le pouvoir d’un seul dans la République.
Or le projet de révision ne réduit pas les pouvoirs du président. Il les accroît en lui permettant de s’adresser directement aux parlementaires réunis en Congrès. Le président présentera un bilan flatteur de son action et fera acclamer par sa majorité son programme de gouvernement. Le premier ministre comme chef de la majorité parlementaire disparaît. Le renforcement des prérogatives du Parlement, premier objectif de la révision selon le président, est un leurre en termes de pouvoir réel. Tant que le président sera le chef incontesté de la majorité à l’Assemblée, le Palais-Bourbon demeurera une annexe du palais de l’Elysée. « Cy veut le Roi, cy fait la loi », l’axiome de l’Ancien Régime demeure la règle sous la Ve République.
Quant aux pouvoirs de nomination du président aux grandes fonctions (Conseil constitutionnel, CSA, etc.), on annonce « un changement considérable » : le choix du président pourra être refusé par un vote des trois cinquièmes des membres d’une commission parlementaire. Mais un tel vote requiert le concours de la majorité présidentielle, qui ne sera jamais donné contre la volonté du président. Si on voulait rendre ces nominations consensuelles, il faudrait une majorité positive des trois cinquièmes nécessitant l’accord de l’opposition. On est loin du compte.
D’autres font valoir que la réforme accorde à l’opposition parlementaire des droits nouveaux. Mais il faut regarder la portée des textes et non pas seulement l’étiquette. On nous dit : le Parlement aura la maîtrise de la moitié de l’ordre du jour, « un progrès immense ». Mais qu’en est-il pour l’opposition ? Le projet lui réserve un jour pour trois semaines, à partager avec les centristes. Belle avancée démocratique !
Autre exemple. Le président annonce que la présidence d’une commission parlementaire sur huit sera réservée à l’opposition. Pourquoi pas trois ? Nous ne demandons pas des pourboires, mais un rééquilibrage.
Enfin, la révision proposée consolide le mode d’élection archaïque des sénateurs, qui assure à la droite une majorité pérenne au Sénat. Cette situation est un défi à la démocratie. Le comité Balladur avait ouvert la voie à un changement possible. La droite sénatoriale a tout refusé à ce sujet. Elle entend demeurer maîtresse du Sénat et, par là, de toute révision constitutionnelle proposée par la gauche. Lors de la prochaine alternance, la gauche devra donc présenter un projet de révision constitutionnelle, soumis directement au pays par voie de référendum. Il devra inclure la reconnaissance du droit de vote aux élections municipales des immigrés régulièrement établis en France. Cette réforme-là, si importante pour l’intégration, est ignorée par l’actuelle révision.
Dans ces conditions, libre à qui le veut de danser un pas de deux constitutionnel avec le président de la République. Ce n’est pas notre choix.
Robert Badinter, sénateur, ancien président du Conseil constitutionnel
Sur le même sujet:François Hollande: « Je ne souhaite pas voir le Parlement soumis à l’autorité d’un seul«
Ceux qui voteront «pour»
L’UMP
Le parti majoritaire ne devrait pas faire le plein, une petite dizaine d’élus sont toujours récalcitrants et devraient voter «contre». Du coup, toutes les voix comptent: Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale et donc du Congrès participera au scrutin, faisant fi de la tradition qui veut que le président de séance ne participe pas au vote. Bonne nouvelle pour l’UMP: les villepinistes Hervé Mariton et Georges Tron se sont ralliés in extremis au camp du «oui», alors que le sénateur-blogueur Alain Lambert vient lui aussi de se convertir à la réforme.
Potentiel: environ 462 voix
Pourquoi ce vote? «Ne pas saisir la chance historique que représente cette réforme et ces nouvelles avancées pour notre République serait une faute grave que supporteraient (…) tous nos concitoyens et cela sans doute durant plusieurs générations», Dominique Paillé, porte-parole de l’UMP.
Les centristes
A l’exception de François Bayrou et d’un de ses amis du MoDem, les partis centristes ont prévu de voter la réforme. Deux députés du Nouveau Centre sont encore indécis et assuraient, il y a peu, être opposés à la réforme.
Potentiel: environ 47 voix
Pourquoi ce vote? Les centristes se satisfont des avancées «s’agissant des droits du parlement, des citoyens et du pluralisme», Michel Mercier, président du groupe centriste au Sénat.
Les sénateurs radicaux
Une large partie du groupe RDSE (radicaux de droite et de gauche) au Sénat a prévu de voter favorablement le texte.
Potentiel: environ 13 voix
Pourquoi ce vote? Le texte comprend des «avancées considérables», Pierre Lafitte, présidence du groupe RDSE.
Les députés radicaux de gauche (et apparentés)
Une large partie des 11 députés PRG et apparentés devrait voter «pour» la réforme. Nicolas Sarkozy a fait un geste significatif dans leur direction mercredi en promettant d’abaisser de 20 à 15 le nombre de députés nécessaires pour constituer un groupe supplémentaire. Christiane Taubira et deux autres députés voteront néanmoins «non».
Potentiel: environ 8 voix
Pourquoi ce vote? «Il ne faut pas faire la fine bouche. Il y a des ouvertures nouvelles, sur le temps de parole du président de la République et sur un certain nombre d’autres choses que nous réclamions», Jean-Michel Baylet, président des Radicaux de gauche.
Divers parlementaires
Outre Jack Lang qui ne suivra pas ses camarades du PS, les quelques parlementaires non-inscrits devraient se prononcer pour la réforme.
Potentiel: environ 4 voix
Pourquoi ce vote? «Ce projet ne mérite ni cet excès d’honneur, ni cette indignité. Ce n’est pas un changement de régime politique, je le déplore. C’est un texte de simple aménagement qui comporte des avancées positives», Jack Lang.
Ceux qui voteront «contre»
Le Parti socialiste
Oubliant pour un temps leurs divisions, les socialistes ont annoncé qu’ils voteraient tous contre la nouvelle Constitution, à l’exception de Jack Lang. Les ultimes concessions de Nicolas Sarkozy n’auront donc servi à rien.
Potentiel: environ 289 voix
Pourquoi ce vote? «Les avancées en matière de droits du Parlement sont virtuelles. Ce qui n’est pas virtuel, c’est la possibilité donnée au président de la République de s’exprimer devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles», François Hollande, premier secrétaire du PS.
Les communistes et les Verts
La totalité des parlementaires PCF et Verts votera contre la réforme. Les deux partis ont signé mercredi un communiqué commun avec le PS – fait rare – pour repousser les dernières concessions de Nicolas Sarkozy.
Potentiel: 47 voix
Pourquoi ce vote? La réforme «accentue la présidentialisation de la Ve République en instaurant l’expression du président de la République au Parlement, alors qu’il n’est pas responsable devant lui et qu’il dispose de pouvoirs considérables, notamment de dissoudre l’Assemblée nationale», communiqué commun PS-PC-Verts
Les UMP dissidents
Une petite dizaine d’élus gaullistes et villepinistes, très convoités par l’Elysée ces dernières semaines, sont toujours récalcitrants et devraient voter «contre». Bernard Debré et cinq de ses amis ont quitté mercredi ce groupe d’opposants après une entrevue avec Nicolas Sarkozy.
Potentiel: environ 11 voix
Pourquoi ce vote? «Ce projet, c’est beaucoup de bruit pour pas grand-chose. On a autre chose à faire que voter un texte pour permettre au président d’aller à Versailles. Il a déjà réquisitionné la Lanterne, maintenant il veut la salle du Congrès!», François Goulard, député UMP.
Certains centristes
Les trois députés MoDem (dont François Bayrou) et peut-être trois sénateurs du groupe centriste vont voter contre ce texte.
Potentiel: 6 voix
Pourquoi ce vote (au MoDem)? «L’essentiel, c’est la loi électorale qui permet ou non d’avoir à l’Assemblée nationale des voix indépendantes, et donc une partie des sièges attribués en fonction de la représentation des Français. Le président de la République a refusé de toucher à ce sujet central et donc je n’apporterai pas ma voix à ce qui n’est qu’un faux semblant», François Bayrou, président du MoDem.
Les souverainistes
Les députés et sénateurs du Mouvement pour la France et le député Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République) voteront contre le texte.
Potentiel: 6 voix
Pourquoi ce vote? «Les trois sénateurs et les deux députés voteront contre la réforme au Congrès, car ils n’acceptent pas que le gouvernement ait fait sauter le verrou référendaire sur l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne», Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France.
Le PRG (RDSE) vote pour cette révision.
Tu as dû te tromper dans tes décomptes… Le projet est passé ! 539 voix au lieu des 534 prévues.
Vous avez donc eu 5 traitres dans vos rangs !Et pour une fois, j’en suis attristé autant que toi.
Certes, il y a quelques « avancées » si on peut appeler les choses ainsi, et il fallait harmoniser cette constitution avec le nouveau quinquénat, mais je suis de l’avis de Badinter : les clauses réservées à l’opposition sont tellement contraignantes que le Président sera en mesure de gouverner mieux qu’un Premier Consul…
Prochaine étape : Sarko Ier osera-t-il aller jusqu’au couronnement ?