Article publié par Le Monde
L’hyperprésidentialisme est dans l’air du temps. Est-ce une raison pour qu’il devienne l’alpha et l’oméga de la gouvernance (autre terme désormais incontournable) des universités ?
Avec nombre de mes collègues socialistes, j’aurais souhaité pouvoir m’abstenir sur le projet de loi présenté par le Gouvernement, étant attaché à ce que nos universités disposent d’une plus forte autonomie, dès lors que les moyens seraient donnés pour éviter d’insupportables inégalités territoriales en matière d’enseignement supérieur.
Mais nous n’avons pas pu nous abstenir en raison – tout particulièrement – des dispositions inscrites dans le texte sur les modalités de recrutement des enseignants chercheurs, que le gouvernement n’a pas voulu modifier sur l’essentiel, en dépit des nombreux amendements déposés de toute part en ce sens.
De quoi s’agit-il ?
Le projet de loi prévoit qu’un président d’université pourra recruter un enseignant chercheur contre l’avis de l’instance scientifique de l’université (commission de spécialistes transformée en » comité de sélection « ) et sans qu’aucune instance scientifique nationale n’ait été appelée à donner un avis.
Autrement dit, si le texte était voté en l’état, le président pourrait recruter de sa propre autorité pour une durée indéterminée tout enseignant chercheur dans toute discipline.
Loin de moi l’idée d’exprimer une quelconque défiance à l’égard des présidents d’université. J’observe d’ailleurs que la ministre Valérie PÉCRESSE n’a cessé de se féliciter de la qualité du dialogue noué avec ces présidents, pourtant élus par un collège électoral large et très représentatif qu’elle veut aujourd’hui vouer aux gémonies ! Ce ne sont pas les présidents qui sont en cause, c’est le système qu’on veut mettre en place.
Les procédures actuelles de » recrutement par les pairs » ne sont certes pas sans défaut, et rien n’empêche de les améliorer.
Mais invoquer leurs défauts pour instaurer une décision discrétionnaire du seul président, c’est rompre avec un principe très ancien et qui est constitutif de la notion même d’université, qui procède – est-il besoin de le rappeler ! – de l’ordre du savoir, de la connaissance et de la science.
On nous dit que ce pouvoir discrétionnaire ne s’appliquera que peu. Mais la loi est la loi. Elle fonde un droit. Et s’il ne s’agissait que de pouvoir saisir les » étoiles filantes mondiales de l’excellence scientifique » que nos procédures rebuteraient, pourquoi tant d’insistance de la part de la ministre à refuser toute modification de son texte sur ce point, jusqu’à demander une seconde délibération pour repousser un amendement d’un élu de l’UMP, pourtant adopté par le Sénat, stipulant que l’avis de l’instance scientifique compétente devrait être » avis conforme » ?
Ne nous trompons pas. Il s’agit là d’une question majeure. C’est une certaine idée de l’université qui est en cause dans cette unique disposition qu’aucun discours sur la » gouvernance » ne justifiera. C’est un engagement fondamental qui voit une conception du management l’emporter sur les critères scientifiques et pédagogiques. Le débat à l’Assemblée Nationale permettra-t-il d’éviter la dérive si lourde de conséquences que porte en germe un alinéa apparemment anodin du projet de loi ?
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