La rumeur d’Orléans est le nom donné à une affaire à la fois judiciaire, médiatique et politique que retrace un ouvrage de commande, devenu célèbre (paru en 1969 au Seuil, sous le titre La rumeur d’Orléans).
La « rumeur d’Orléans » laissait entendre que les cabines d’essayage de plusieurs magasins de lingerie féminine d’Orléans, tenus par des juifs, étaient en fait des pièges pour les clientes, qui y aurait été endormies avec des seringues hypodermiques et enlevées pour être livrées à un réseau de prostitution (Cf. traite des Blanches). Elle prit parfois un tour « canularesque » lorsqu’on prétendit que des clientes disparues étaient prises en charge par un sous-marin remontant la Loire… (rapporté par un seul témoin, mais recopié dans presque toutes les gloses sur le sujet).
Cette rumeur est un cas d’école, par sa durée, son extension et par sa fin : si aucun démenti, même officiel (signalant par exemple qu’aucune disparition suspecte n’a été répertoriée dans les environs par les services de police), n’a jamais réussi à y mettre fin, la rumeur a cessé d’intéresser les médias, sans autre intervention que le temps et l’oubli.
Le rôle des médias dans la naissance et la diffusion de la « rumeur d’Orléans » n’est pas à mésestimer : ainsi que le rapporte l’équipe de sociologues dirigée par Edgar Morin, le « scénario » avait été publié un an auparavant dans un livre de poche (aux Presses de la cité), puis dans l’ouvrage d’un journaliste anglais (chez Albin Michel), puis enfin dans un magazine disparu depuis (Noir et blanc). Nul doute que la diffusion n’a pas été qu’informelle.
De même, il faut se garder de penser que la rumeur dite d’Orléans n’a circulé que dans cette ville : ainsi que le retrace Pascal Froissart dans La rumeur. Histoire et fantasmes, elle a connu une très large diffusion : de 1959 à 1969, à Paris, Toulouse, Tours, Limoges, Douai, Rouen, Lille, Valenciennes ; en 1966 à Dinan et Laval ; en 1968 au Mans ; en 1969 à Orléans, Poitiers, Châtellerault, et Grenoble ; en 1970 à Amiens ; en 1971 à Strasbourg ; en 1974 à Chalon-sur-Saône; en 1985 à Dijon et La Roche-sur-Yon; en 1987, à Québec ; et en 1990, à Rome et à Montréal ; en 1992 en Corée…
Aujourd’hui encore elle circule allègrement et ressurgit de temps à autre sur le Net, sous des versions toujours plus surprenantes.
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